Téléréalité, ces familles qui se mettent en scène sur YouTube

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Nous proposons avec Nathanaël et Eric, nos deux Chroniqueurs, le partage d’une réflexion que leur a inspiré la lecture de l’article paru dans le Monde concernant ces familles américaines et anglaises qui se mettent en scène dans des vidéos YouTube. Avec, à la clef, un succès commercial pour certaines, et de nombreuses questions éthiques.

La lecture, de ces vidéos qui mettent également en scène une famille Chrétienne exposant leur vie et leurs convictions, présentant un aspect idyllique de leur vie « Un enfant clairement…modelé pour devenir un sympathique archétype, celui du “jeune garçon mignon et inoffensif” », m’inspire pour ma part une double analyse critique :

  • celle de l’appétit du gain dans son aspect consumériste.
  • celle de cette surexposition dans sa dimension narcissique.

Ainsi la mondanité dans :

  • ses reflets cupides,
  • l’affection exagérée que l’on porte à soi-même, l’amour de son image…

…sont hélas une tendance qui par capillarité  s’étend à l’ensemble de notre monde contemporain :

  • dépendant d’icônes virtuelles et amoureux de sa propre image,
  • sujet à une tentation de prospérité immédiate comme une forme d’illusion de la bénédiction spirituelle.

Deux tentations que décrit la Bible en évoquant tour à tour :

  • la figure du Diable, l’astre brillant, le Dieu de ce siècle (heylel, en hébreu = Lucifer), sa chute ne résulte-t-elle pas d’un amour outrancier de lui-même, un amour de la créature plutôt que l’adoration du créateur ;
  • celle du Dieu Mammon incarnant la richesse matérielle, la cupidité, l’avidité mondaine.

La lecture de cette vidéo me fait également penser à ce verset magnifique que nous trouvons dans les évangiles, verset qui a une résonance particulière lorsque nous lisons attentivement ces reportage filmés  qui exposent la vie, mettent à jour le quotidien de gens ou de familles, y compris d’une famille chrétienne éduquant ses enfants à la maison (ce qui ne correspond bien entendu à aucune critique de notre part), le sujet étant l’exposition de soi aux feux de sa propre médiatisation.

Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus; autrement, vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Lors donc que tu fais l’aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d’être glorifiés par les hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. Mais quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite,
Matthieu 6.1-3

Au fond cette parole sonne comme une exhortation, le passage de l’évangile de Matthieu 6.1-3 est un éloge de la discrétion à l’envers de cette soif de célébrité, de notoriété, d’image, de médiatisation, d’être vu, reconnu de tous.

Un certain monde Chrétien hélas ne semble pas être épargné par de telles tendances qui infiltrent notre vie quotidienne, là où nous devrions nous mettre à part, nous empruntons au monde de l’image ses codes, ses principes sans nous en distinguer. Là où nous sommes encouragés à ne pas agir pour être vus de tous, à l’inverse nous sonnons de la trompette cathodique pour que le monde nous regarde. Cette soif narcissique est la traduction d’une profonde fragilité, d’une vraie faiblesse de l’homme qui caresse son image.

l’amour de notre image traduit au fond une forme de caprice d’adolescent, d’infantilisation, d’insensibilité et d’indifférence à l’autre

Il me semble que l’amour de notre image traduit au fond une forme de caprice d’adolescent, d’infantilisation, d’insensibilité et d’indifférence à l’autre comme l’est l’avarice. L’amour du reflet de son image sur le petit ou le grand écran surpasse ainsi l’intérêt que l’on devrait porter à autrui. Seule son image compte et celle que l’on veut donner à voir aux autres.

Se théâtraliser, se mettre en scène, finit par nous faire perdre tout sens et tout contact avec le réel, avec la vraie vie, les vrais gens. Dès le moment où nous voulons médiatiser un événement, est-ce vraiment la réalité, la médiatisation ne procède-t-elle pas le plus d’une démarche à la fois sélective et biaisée d’images, ce que l’on veut faire absolument voir, ce que l’on veut donner à voir de soi ?

Avec cette forme de télé réalité, nous construisons dans ce rapport au monde de l’image :

  • un bonheur factice pour se donner à voir,
  • une vitrine de la misère humaine valorisant l’artifice des connexions plutôt que la relation discrète.

Nous cédons en quelque sorte à l’abrutissement de la mode cathodique qui dénude les gens en les accoutrant d’un vernis qui masque une forme de frustration, le vrai visage d’hommes et de femmes en quête de bonheur mais n’étant que des acteurs d’une mauvaise comédie.

C’est ce que m’inspire la lecture de cette vidéo, ou hélas une famille Chrétienne s’est mise en scène mais comme beaucoup d’autres le font également sur les réseaux sociaux. Ne leur jetons pas trop facilement la pierre. Nous aussi, nous sommes parfois les sujets de cette surexposition à laquelle nous sommes familiers depuis que la télé réalité et les réseaux sociaux sont venus inonder les écrans cathodiques et s’imposer parfois à nous.

Le succès sans doute de la télé réalité comme des réseaux sociaux repose essentiellement sur deux fictions:

  • l’apparence d’un accès facile à la notoriété,
  • l’illusion que nous renvoient nos images qui deviennent en quelque sorte nos avatars. Nous nous identifions à eux, nous sommes eux.

La télé réalité est le reflet symptomatique de la post modernité, d’individus narcissiques heureux de gagner en notoriété mais au fond des individus fragiles, incapables de vivre dans ce monde dans la durée, car la télé réalité est forcément éphémère, un jour dans la lumière, demain dans l’ombre qui vous congédie à un triste vous-même sans miroir.

Nous devrions en conclusion nous inspirer de la conduite de Jésus qui n’a pas cherché à attirer l’attention sur lui, refusant les pouvoirs que lui donne la notoriété immédiate, appelant à la discrétion de chacun afin que lui-même ne soit pas idolâtré. Car le  risque est bien l’idolâtrie de la créature et non l’adoration du créateur.

ce rapport à la télé réalité  est également une manière artificielle de construire une représentation de soi

Ainsi le rapport narcissique de la société à la consommation, ce rapport à la télé réalité  est également une manière artificielle de construire une représentation de soi, une idéalisation de l’égo, comme l’écrit Alain LEDAIN dans son livre Regard d’un Chrétien sur la société « …mais d’un soi déraciné, arraché à sa réalité. C’est comme si le monde cherchait à créer, non l’identité par ce que l’on est, mais « d’être » par ce que l’on possède. »

L’identité, voilà l’autre problème que soulève ce show familial que tout le monde peut regarder. Eric vous a fait réfléchir sur le côté artificiel de la télé réalité, personnellement cet article du journal le Monde, m’interpelle sur la construction de l’identité de ces enfants, sur leur éducation. Eduquer, c’est « conduire hors » (du latin ex ducere). Et là, je peux analyser deux choses qui freinent cette ouverture vers l’extérieur pourtant nécessaire à chaque enfant :

  • le repli sur soi, sur le vécu familial avec l’éducation à la maison
  • être acteur, au sens de comédien ou figurant, de sa propre vie

Ainsi chaque enfant dispose aussi de son compte You tube et se met en scène....

  • Quel est l’exemple que leur transmettent leurs parents ?
  • Comment protéger leur intimité surtout à l’âge de l’adolescence ?

Leur intimité vole en éclat quand toute leur vie est ainsi rendue publique, mise en scène par leur propre parents, jusqu’au décès d’un garçon ! Mon fils de onze ans ne veut pas que je mette des photos de lui en ligne sur le web, je respecte son choix et publie uniquement quelques photos quand il m’y autorise. Son intimité, notre relation père - fils, sa vie familiale, son adolescence est alors comme dans un écrin, il est protégé pour mieux s’épanouir à l’âge adulte.

Par leur vécu, ces familles veulent faire passer certaines valeurs peu enseignées aux Etats Unis, pas du tout en France. La Bible dit que Dieu créa le ciel et la terre et tout ce qu’elle renferme en sept jours. Mais il est également dit que pour Dieu un jour est comme mille ans (Psaumes 90 v 4, 2 Pierre 3 v 8).  Donc la notion de temps dans la théorie de l’évolution, ou celle du créationnisme, reste très relative par rapport au récit de la Genèse.

La théorie créationniste cherche à tout étudier alors que la théorie de l’évolution met de côté les exceptions qui ne vont pas dans son sens. Ainsi, selon la théorie de l’évolution des espèces, si l’homme descend du singe, les singes auraient dû disparaître en s’adaptant à leur milieu. La disparition des mammouths pose aussi problème. On a retrouvé des squelettes figés dans la glace en train de marcher. Selon des spécialistes en congélation,  il faut une chute brutale de température à -70° C. Seule la théorie créationniste explique cela en liant le déluge à la rupture de la canopée de vapeur[1](les eaux d’en haut dans Genèse 1 v 7) et la chute brutale des températures. Toutefois les deux restent des théories et isoler les enfants des autres enfants scolarisés à l’extérieur peut être une frustration importante quand ils arriveront à l’âge adulte :

  • Protéger les enfants ainsi du monde extérieur est-il nécessaire ?
  • La vue de ces enfants sur le monde extérieur, en dehors de la famille, n’est-il pas un raccourci ?

Le regard narcissique de ces familles sur leur propre vécu peut engendrer à la fois une forme de  frustration, une situation anxiogène sur ces enfants en pleine croissance. Leur liberté est réduite à l’image que les parents veulent véhiculer. Notre propre regard est lui-même perturbé en étant voyeur de cette exhibition. Quelle est alors la propre mesure de l’éducation que nous transmettons à nos enfants en regardant cette mise en scène de la vie, cette forme d’exhibition narcissique ? Quelles  valeurs veut-on véhiculer à travers le vécu de nos familles ? La tentation est grande de se comparer à eux mais sur la base de quels critères.

« Prends garde à toi et veille attentivement sur ton âme, tous les jours de ta vie, de peur que tu n’oublies les choses que tes yeux ont vues, et qu’elles ne sortent de ton cœur; enseigne-les à tes enfants et aux enfants de tes enfants. »

Un texte doit nous garder vigilant face à la volonté de Dieu : « Prends garde à toi et veille attentivement sur ton âme, tous les jours de ta vie, de peur que tu n’oublies les choses que tes yeux ont vues, et qu’elles ne sortent de ton cœur; enseigne-les à tes enfants et aux enfants de tes enfants. » (Deutéronome 4 v 9)  La Bible est riche d’enseignements pédagogiques pour l’éducation de nos enfants, pour qu’ils soient prêts à entrer adultes dans leur vie et dans la société, en ayant les toutes les armes nécessaires.

Comme dans le film « The Truman Show » (1998), refusons cette bulle d’idéalisme, pour ouvrir la porte, et vivre la vraie vie. Celle qui me permet de rencontrer mon voisin, les habitants de mon quartier, les amis, le prochain... de leur parler, de les aider. Celle qui permet d’éduquer nos enfants en vérité sans avoir besoin d’un écran cathodique, sans cette théâtralisation de soi qui n’est qu’une fiction projetant nos manques, nos frustrations. Revenons au réel, à une vie sans artifice, sans miroir de soi. Apprécions le contact, le rapport à l’autre dans une démarche qui soit en vérité. Fuyons s’il en est encore temps cette comédie virtuelle, qui n’est qu’un écran qui ne reflète pas l’être que nous sommes réellement.

Avec la participation de Nathanaël Bechdolff.


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